Une poignée de happy few, quelques 400 danseurs étaient conviés hier soir au Château de Versailles à une soirée époustouflante, Le Bal du Siècle. Et ce fut tout simplement un moment mémorable. Des valses de Vienne aux Années Folles, en passant par le tango, le fox-trot, le quadrille, la gigue américaine, le Charleston, la Tempête, les Pol Jones, Versailles bruissait du taffetas des crinolines de Sissi, Versailles voltigeait, tourbillonnait, Versailles résonnait des musiques d’Offenbach, enfin le Château de Versailles, commémorait sa Fête Merveilleuse, célébrant la fin de sa restauration en juin 1923.
Il flottait comme un envoûtant parfum des soirées de Gatsby le Magnifique ce lundi soir dans les grands appartements de la Reine où virevoltaient de superbes silhouettes, en robe Charleston pailletée à franges, boa et éventail en plume. Manière de renouer avec la féerie et l’effervescence des Années Folles, la soirée costumée avait fait la part belle aux années 1920. Gatsby renaissait, on fêtait ces retrouvailles, et avec elles toute la légèreté, l’euphorie et la magie de cette époque bénie.
Se délecter d’un méli-mélo de flétan aux fleurs d’hibiscus givrés sous le Couronnement de Napoléon peint par David, c’est chic. Déguster un délicieux Paris-Brest en présence de l’Empereur, ça a de l’allure ! L’illusion est telle, qu’on en viendrait même à croire qu’on dîne dans les appartements de Bonaparte tant le Château de Versailles semble nous appartenir pour un soir.
A presque minuit, sous les ors de la Galerie des Glaces, la foule s’est pressée devant les fenêtres pour contempler les jardins ennuités du Parc. Soudain le ciel s’est embrasé. Des fusées dorées ont éclaté en soleils, en cascades, en bombes, au rythme des valses de Strauss. Lors du bouquet final, l’or éclatant des feux a rougi de plaisir devant le chatoiement inattendu d’une cocarde groseille qui saluait l’arrivée musicale d’Offenbach et de son french Cancan. La nuit noire était rouge. Une guirlande humaine de danseurs a enflammé le parquet sage de la Galerie des Glaces, sous l’oeil impavide des trois cent cinquante-sept miroirs qui reflétaient la joyeuse farandole.
Mais les festivités ne s’arrêtaient pas là. Un After attendait les invités. A minuit, la Galerie des Batailles s’est métamorphosée en une immense piste de danse (120 mètres de long!) irisée de lasers, de jeux de lumière, de LED, à faire pâlir d’envie toutes les boites de nuit. Vibrer, se trémousser sur une chanson d’ABBA, en présence du tableau de la Bataille de Fontenoy ou celui de la bataille d’Austerlitz, a quelque chose de parfaitement surréaliste. C’est côtoyer, par dessus les siècles, ceux qui ont fait l’histoire de France. Un délicieux choc temporel qu’on ne vit qu’une seule fois dans sa vie. Mais laissons le mot de la fin, à un jeune couple, ivre de plaisir, radieux et comblé, qui, au sortir du château, foulant les pavés de la Cour Royale illuminée, et s’éloignant à regret de la magnificence, s’est exclamé : « On a réalisé un rêve ! »
Voilà, tout est dit. Danser au Château de Versailles, c’est vivre un rêve éveillé. Ce soir, ce fut la première édition du Bal du Siècle, et ce fut merveilleux. Nous attendons avec impatience la prochaine édition.