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Giampaolo Schiratti

« On oppose l’entreprise à l’homme, mais l’entreprise, c’est l’homme ! »

Aujourd’hui, le lait fait couler beaucoup d’encre. On lui reproche tout et n’importe quoi. D’être responsable de maladies cardio-vasculaires, de rhumatismes, d’otites etc. Aux Etats-Unis, il est décrié comme jamais. Dans un livre devenu best-sellers « Milk, the deadly poison » Robert Cohen, affirme que boire du lait c’est consommer de la colle, des hormones et du pus. Alors, le lait, allié et ennemi ? Et pourquoi cette mise au banc des accusés de celui qui durant des générations a été considéré comme une source indispensable de calcium ? Pour démêler le vrai du faux, nous avons souhaité rencontrer le spécialiste de la question, Giampaolo Schiratti. Expert du secteur agroalimentaire, cet ancien élève des Ponts et Chaussée est le PDG de Candia depuis 2013. On lui doit, en 2014, le logo « lait conditionné et collecté en France » qui garantit au consommateur la provenance et la qualité du lait. Giampaolo Schiratti, c’est un grand patron mais c’est aussi un homme loyal, chaleureux, estimable qui prône la tempérance et l’exigence en toutes choses.

Candia appartient au groupe Sodiaal, premier groupe laitier français qui collecte 4, 6 milliards de litres de lait par an. Sodiaal, la maison mère de Candia, abrite-t-elle d’autres sociétés ?

Précisons d’abord que Sodiaal est une coopérative et la particularité de cette coopérative est d’appartenir aux 14000 éleveurs qui produisent le lait en France, lait utilisé dans nos produits. En plus de Candia, Sodiaal compte Entremont (une grande marque de fromage) et Yoplait qui même si elle n’est pas gérée par Sodiaal, utilise le lait des producteurs de Sodiaal.

Candia a pour concurrent Lactel. Les deux marques se livrent une guerre sans merci. Comment se différencient-elles ?

La première différence c’est que Candia, comme je vous le disais est une coopérative. Candia est là pour assurer la pérennité de la filière laitière française dans une logique de qualité et de développement du territoire. L’objectif numéro 1 de Candia n’est pas de faire du profit mais de valoriser le lait des éleveurs de façon à assurer la pérennité de la filière laitière française, alors que Lactel, lui appartient au groupe Lactalis qui est un groupe privé, qui par définition a comme finalité le profit…

Quels sont les atouts de Candia ?

Il faut savoir que Candia est le précurseur du lait de consommation. C’est Candia qui a inventé en France et dans le monde le premier lait UHT, le premier lait délactosé, le premier lait aromatisé, la première bouteille, la première bouteille à poignée. Candia a toujours été le précurseur en terme d’innovation et aujourd’hui lorsque vous achetez une bouteille de Candia, vous êtes certain que le lait qui est à l’intérieur est un lait français dans des fermes tracées que nous connaissons qui sont dans un modèle d’élevage extensif (la moyenne des fermes chez Candia est de l’ordre de 50 à 60 vaches) contrairement à d’autres laits qui sont produits dans des systèmes beaucoup plus intensifs avec des garanties de respect de l’environnement et de qualité qui évidemment ne sont pas les mêmes.

Candia, c’est donc une grande marque…

C’est une grande marque et derrière la grande marque, il y a une éthique, il y a aussi un produit de qualité auquel nous faisons très attention parce que c’est un produit que nous n’achetons pas, que nous produisons nous-mêmes à travers nos éleveurs. Cet ancrage coopératif et dans le monde agricole nous donne évidemment des atouts importants.

Candia est une marque internationale. Elle exporte partout. Afrique, Moyen orient .Depuis quelques années, elle part à l’assaut de l’Asie. Peut-on trouver aujourd’hui dans les supermarchés chinois du lait Candia ?

On peut trouver du lait Candia dans pas mal de pays. On peut en trouver aux Antilles, en Algérie, en Tunisie, en Iran, à la Réunion, en Côte d’Ivoire. On commence également à en trouver en Chine, dans certains supermarchés ou certains magasins de la côte Est chinoise, mais pas suffisamment ! Le marché chinois est un marché très intéressant, malgré le fait que le consommateur chinois n’est pas encore un très grand consommateur de lait puisqu’il ne boit environ que 6 litres de lait par an alors qu’un français en boit 53, un irlandais 120. La Chine est un pays qui est déficitaire en lait, sur lequel il y a un potentiel d’exportation mais c’est aussi un pays très différent par ses habitudes alimentaires. Par exemple, en Chine, le lait se boit dans de petits formats de 200 millilitres, (on boit ça comme un petit goûter, même à la maison). Les laits aromatisés consommés en France, c’est plutôt du chocolat et de la vanille, là-bas c’est plutôt de la banane. Donc, nous devons nous adapter aux goûts et habitudes du consommateur chinois. Par exemple en France, on boit du lait demi-écrémé, en Chine, c’est plutôt du lait entier. Ensuite, faire des affaires avec des chinois demande un certain apprentissage, un certain sens de la négociation. De plus, les chinois n’ont pas la même perception du temps que nous, c’est un peu comme si ils avaient l’éternité devant eux… Par exemple, nous venons de signer un accord de partenariat avec un client chinois qui s’appelle Synutra. Nous allons installer dans l’une de nos usines quatre lignes de production pour eux, lesquelles vont produire 450 millions de briquettes par an. Quand je suis arrivé chez Candia début 2013, ce projet était déjà à l’étude. Il a été signé la semaine dernière (le 31 mars 2016). Il a fallu presque trois ans !

Les chinois se sont-ils intéressés au lait Candia parce qu’il y a eu des scandales alimentaires chez eux ou est-ce parce qu’ils avaient l’impression que notre lait français était d’une meilleure qualité ?

Trois paramètres ont, semble-t-il, motivé leur choix. Le premier, c’est qu’ils n’avaient plus complètement confiance dans la filière chinoise à cause des problèmes sanitaires rencontrés. Le second, c’est qu’ils n’avaient pas suffisamment de lait en Chine. Troisièmement, nous avons des savoir-faire en France, nous savons faire du lait infantile ou du lait pour les enfants (de six, neuf ou douze mois) sous forme liquide donc très facile à boire alors que les chinois ne maîtrisent pas encore ces technologies.

Quel est le lait qui se vend le mieux aujourd’hui : le lait bio, le lait sans lactose, le lait enrichi en vitamine D, le lait demi-écrémé, le lait entier ?

En France, trois segments sont en croissance, le lait délactosé (sans lactose, ou à taux réduit de lactose). Certains consommateurs ont des intolérances partielles au lactose et donc préfèrent consommer un lait dont ils seront sûrs qu’ils vont le digérer. Ensuite, il y a le lait bio, segment en croissance lui aussi, parce que certains consommateurs sont très attentifs à l’environnement, et que le lait bio leur apparaît comme un signe de réassurance de qualité (justifié ou non, c’est un autre problème). Troisième segment en croissance : ce sont les laits de type vitaminé, de type aromatisé qui ne sont pas vraiment utilisés comme des laits mais plutôt comme des boissons pour les enfants au petit-déjeuner, en goûter, ou en cas. En contrepartie, si je peux m’exprimer ainsi, les laits classiques que sont le demi-écrémé qui font la plus grosse partie du marché et le lait écrémé sont en décroissance. Dernier point, un segment qui était en décroissance ces dernières années et qui est en train de se stabiliser (que l’on espère même faire recroître) c’est le lait frais, pasteurisé.

Peut-on dire que le consommateur de lait français a changé ces dernières années ?

C’est un fait, le consommateur en général a changé. Il est soumis aujourd’hui à une variété de modes de distribution, à plein de nouvelles impulsions (négatives ou positives). En ce qui concerne le consommateur de lait français, il consomme moins de lait qu’il y a dix ans. Pour deux raisons : la première est liée aux évolutions des habitudes alimentaires des français. On prend un peu moins de petit-déjeuner ou quand on le prend, on « l’avale » plus rapidement, pas nécessairement à table, avec notre bol de lait et notre tartine comme avant. Parfois les enfants remplacent le bol de lait par un verre de soda. Toujours, sur ses changements d’habitude, on cuisine moins avec du lait parce que les plats que l’on faisait avec du lait comme le soufflé, la purée sont un peu moins dans l’air du temps. Enfin, on consomme moins de lait parce qu’il existe actuellement une défiance de la part des français vis-à-vis du lait.

Depuis un certain temps une rumeur enfle comme quoi le lait pourrait être dangereux pour la santé. Il serait responsable de maladies cardio-vasculaires, rhumatismes, otites voire de cancer. Pourquoi le lait qui depuis des générations était considéré comme source de calcium et bénéfique pour la santé, se retrouve-t-il au banc des accusés ?

C’est une bonne question ! Il faut avoir en tête que la grande majorité des études attestent des qualités positives du lait (sur dix études positives, vous n’en trouverez qu’une négative). Mais vous avez raison certaines études minoritaires jettent la suspicion sur le lait. Ces études montrent que si on boit énormément de lait, si on dépasse une certaine dose, effectivement, cela peut être nocif. Mais c’est une question de bon sens, tout excès est toujours négatif ! Reste que c’est la tendance actuelle (qui dure quand même depuis quelques années !), il y a une accélération « du bruit »  anti-lait.

Pourquoi ?

D’abord, on peut se demander d’où cela vient…

D’études scientifiques ?

Ce sont surtout des associations autour de l’anti-animal (d’aucuns disent qu’ils seraient financés essentiellement par les lobbies des végétaux) qui ont tendance à dire que l’homme ne doit pas consommer d’animal, l’homme ne doit pas consommer ce qui sort de l’animal, ne doit pas consommer du lait parce que le seul animal qui boit du lait quand il est adulte, c’est l’homme…

Cela profite-t-il à des gens ?

Bien sûr que cela profite à des gens ! Il n’empêche, en France, on parle souvent de ce qui va mal, on préfère parler du négatif que du positif… On a aussi tendance à mettre au pilori certaines catégories, le lait par exemple ce n’est rien par rapport au gluten. Actuellement, il y a une mode qui consiste à manger sans gluten alors qu’il n’y a que 0,2 pour cent de la population qui présente une intolérance forte au gluten. Mangeons de tout de façon modérée, raisonnable, variée, c’est ça le secret ! Une des chances de notre culture européenne par rapport à la culture américaine, c’est la diversité alimentaire. Trois repas par jour, prendre le temps, s’asseoir, varier l’alimentation. C’est tout simple !

Ni l’OMS, ni aucune étude scientifique probante ne semblent pourtant incriminer directement les produits laitiers. Au contraire, on recommande même aux français, par le biais d’une publicité ludique, de consommer par jour trois produits laitiers…

En effet, aucune étude scientifique sérieuse n’a montré que le lait est nocif. Toutes les opérations publicitaires en faveur de la consommation de produits laitiers sont évidemment observées au microscope, disséquées par les autorités sanitaires françaises et européennes. Même si nous n’avons pas beaucoup confiance dans nos gouvernants, c’est plutôt le principe de précaution qui s’applique à l’excès que le contraire. Donc, s’il y avait le moindre soupçon de la part des autorités sanitaires françaises et européennes que le lait est mauvais, ou que le lait pourrait être mauvais ou que le fait de prendre trois produits laitiers par jour pourrait être nocif pour la santé, je pense qu’on ne nous autoriserait pas à diffuser ces publicités.

Oui, mais on a déjà vu des cas de scandales sanitaires comme la vache folle ou la viande de cheval dans les surgelés…

Ce n’est pas tout à fait pareil. Qu’à l’intérieur d’une profession, des individus ne fassent pas bien leur métier comme dans le scandale de la viande de cheval dans les plats cuisinés, c’est une chose. Ce n’était pas un produit en absolu qui est en cause, ce sont des malversations de la part d’industriels. Là, il s’agit d’un produit qui est le lait, de ses effets sur l’alimentation et la santé publique, le rôle que cet aliment a dans l’alimentation des personnes, les alertes qu’il peut y avoir comme les excès. Il faut faire très attention et distinguer les choses. Il ne faut être pas angélique mais il ne faut pas non plus tirer à vue sur un produit. Cela fait des centaines d’années qu’on boit du lait et que l’on se porte bien. Ce qui est vrai pour le lait est vrai pour tout. Notre espérance de vie est aujourd’hui d’environ 80 ans, donc une quinzaine d’années de plus qu’il y a cinquante ans. L’alimentation, et donc le lait, a peut-être participé à cet accroissement de la longévité. De plus, si l’on veut être sérieux, on doit se baser sur des études sérieuses. Sur des études sur trente ans, sur des dizaines de milliers de personnes. Dans les cohortes, on prend des personnes comparables, par exemple des jumeaux et on les traite avec des régimes alimentaires différents sur trente ans, là on peut en tirer des conclusions.

Au Etats-Unis, un livre écrit par Robert Cohen « Milk, the deadly poison » fait fureur. Surnommé « l’homme anti-lait », il affirme que boire du lait c’est consommer de la colle, des hormones et du pus. Il dénonce aussi les agissements de la multinationale Mosanto qui produit une hormone de croissance destinée à augmenter la production de lait. Certains éleveurs qui utilisent cette hormone voient leur production journalière de lait par vache passer de 14 à 40-50 litres. Il affirme que les vaches sont malades, qu’elles sont bourrées d’antibiotiques et que personne n’évalue la toxicité de ce lait, qu’il s’agit là d’un mépris de la santé publique. Rassurez-nous, Giampaolo Schiratti, dîtes-nous qu’en France, on n’utilise pas cette hormone de croissance…

Il n’y a pas d’hormone de croissance en France. Lorsqu’une vache malade est traitée par antibiotiques, son lait ne peut pas arriver en usine. La première chose que l’on fait dans nos usines, lorsqu’une citerne arrive, c’est un test aux antibiotiques. S’il y a le moindre soupçon, on jette le lait. Donc en France, vous ne pouvez pas trouver d’hormones et d’antibiotiques dans les produits laitiers que vous mangez. C’est impossible…

Toujours dans un registre aussi noir, Philippe de Villiers dans son livre « Le moment est venu de dire ce que j’ai vu » affirme qu’on a brutalisé, abîmé, dénaturé la nature. Que soixante-dix mille tonnes de pesticides sont répandus dans nos sols en France, que la France est devenue le premier consommateur européen de pesticides. Que les risques sur la santé humaine sont dissimulés au public. Il affirme qu’il y a un danger pour les nourrissons qui boivent du lait parce que les vaches ingurgitent les nicotinoïdes répandus dans l’ensilage. Vous qui êtes un spécialiste du lait, que pensez-vous de ces assertions ?

Je pense que c’est un vrai sujet, mais le problème c’est que ce n’est pas que dans le lait… On trouve aussi ces pesticides, ces nicotinoïdes, ces hormones de croissance dans l’eau…

Dans l’eau du robinet ?

Oui, dans l’eau du robinet et dans certaines autres eaux. Quand vous prenez des médicaments, votre organisme n’assimile pas l’ensemble des substances chimiques et une partie de ces substances se retrouve dans les toilettes, ensuite dans les stations d’épuration, et ensuite est recyclée. Aujourd’hui, on a un vrai problème de présence d’un certain nombre de produits dans nos eaux, dans nos légumes. C’est pour cette raison que les entreprises comme les nôtres ont mis en place ce qu’elles appellent « des chartes de bonne pratique » pour être sûres qu’elles ont les bonnes pratiques d’élevage en terme de proximité des animaux par rapport aux sources éventuelles de contamination de proximité, par rapport à des cultures intensives, et en terme de ce qui est donné à manger et à boire à notre bétail. Et ce, pour faire que toutes ces problématiques de pollution de notre environnement que souligne Philippe de Villiers (et il a tout à fait raison) se retrouvent le moins possible dans les produits que l’on consomme.

Heureusement que dans ce concert de reproches, quelques voix s’élèvent pour dire que le lait est un nutriment essentiel, un allié incontournable pour la santé pour faire le plein de calcium. Qu’il est indispensable pour prévenir les pertes osseuses après 50 ans et l’ostéoporose. Que sa consommation est plus bénéfique que risquée. D’après vous, faut-il privilégier le lait bio ou non ? 

Je crois qu’en toute chose, il ne faut jamais oublier son bon sens. Wittgenstein avait un bon mot pour dire ça. Il écrivait : « Quand vous entrez dans une pièce pour philosopher, ne traitez pas votre bon sens comme votre parapluie. Ne le laissez pas à l’entrée. » Bien sûr qu’il faut privilégier le lait mais avec modération, comme tout. Par contre, je ne crois pas qu’il faille nécessairement boire du lait bio. Le bio en général, c’est un mode de production qui est plus respectueux de l’environnement. Mais si on ne produisait que du bio, nous n’aurions pas assez pour nourrir la population mondiale. Un rendement bio, s’il y a une sécheresse, l’attaque de telle ou telle maladie, eh bien on ne produit plus. Je respecte le consommateur bio, c’est son choix mais le bio en terme de santé, personne n’a prouvé qu’il était meilleur pour la santé. Il est meilleur pour l’environnement, c’est sûr, mais en terme de goût, par exemple moi je n’aime pas le lait bio, je trouve qu’il a un petit gout de foin. Cela dit, je respecte les consommateurs qui sont rassurés par le bio, soit pour des raisons psychologiques soit pour des raisons environnementales…

Giampaolo Schiratti, vous avez été à la tête de grandes entreprises de l’agroalimentaire (Lesieur, Cacao Barry, Charal etc.), vous avez passé votre vie à défendre la qualité des produits que vous mettiez sur le marché. Faites mentir le philosophe Gilles Deleuze qui dit : « On nous apprend que les entreprises ont une âme, ce qui est la nouvelle la plus terrifiante du monde », et dites-nous en quoi vous êtes l’âme, et une belle âme intègre, de l’entreprise Candia…

D’abord, je ne vais pas répondre au philosophe parce que je n’ai pas son niveau, mais il me semble que la France meurt de sa propension à opposer les gens… On oppose l’entreprise à l’homme mais l’entreprise c’est l’homme ! Cessons d’opposer jeune et vieux, entreprises et syndicats, patrons et salariés, majorités et minorités. Prenons le cas de la grande distribution, cette volonté permanente qu’ont les gens de dénigrer, de critiquer la grande distribution. La France est le seul pays au monde où on dévalorise tout. On ne cesse de diviser les gens, de les dresser les uns contre les autres. Serait-ce parce que nous vivons dans le pays de la contradiction philosophique ? Je ne sais pas… Toujours est-il que nous pêchons peut-être par excès de pensée philosophique, par esprit de contradiction mal placé. D’autres pays, comme l’Italie, cherchent davantage le compromis…

Quand j’entends ces mots de Gilles Deleuze, je comprends (même si je n’excuse pas) que des gens manifestent contre la loi du travail, en disant que c’est une loi pour les patrons. Mais en quoi les patrons sont-ils contre les jeunes ? Aujourd’hui, on a tous besoin de tous. Un patron tout seul ne peut rien faire et le jeune qui lit ces mots, sera peut-être patron dans 5 ou 10 ans…

Candia souscrit-elle à un programme écologique ?

Oui, par son agriculture raisonnée. Nous sommes dans une démarche RSE, de responsabilité sociale et économique. Il s’agit de mesurer notre empreinte carbone, mesurer notre consommation d’eau, mesurer nos consommations d’énergie, mesurer le nombre de kilomètres que parcourent nos produits. Et pour chacun de ses indicateurs, nous nous fixons des objectifs d’amélioration et des plans d’action pour les atteindre.

Quand je vous écoute, j’ai l’impression que Candia est une entreprise modèle…

Non, nous avons encore beaucoup de choses à faire ! Et la plupart des entreprises françaises sont comme nous. Comme je vous le disais, en France, l’image de l’entreprise est négative. Alors que toutes les entreprises œuvrent à faire au mieux. Simplement, on a l’image médiatique de grands patrons richissimes associés à des salaires indécents, à des parachutes dorés. C’est une image très réductrice que celle qui assimile l’entreprise au patron. En France, il doit y avoir 30 000 entreprises environ, il doit y en avoir 100 dont les patrons ont des parachutes dorés. Les médias ne s’intéressent qu’à ceux-là. Là encore on ne parle toujours que du verre à moitié vide…

Comment voyez-vous l’avenir de Candia ?

Actuellement, il faut gérer le court terme dans le secteur laitier et c’est quelque chose d’assez compliqué, parce que 2015 et 2016 ont été deux années dans lesquelles se sont produits trois événements majeurs qui ont révolutionné le monde laitier.

Le premier qu’on connaissait mais dont on n’a pas anticipé les conséquences, c’est la fin des quotas laitiers en Europe. Jusqu’au 31 mars 2015, la production de lait en Europe était fixée par des quotas. Chaque producteur laitier se voyait attribuer un quota laitier et ne pouvait pas produire plus. La Commission Européenne a décidé le 31 mars de lever ces quotas donc cela veut dire que depuis le 1 avril 2015 les producteurs européens peuvent produire tout ce qu’ils veulent et ils se sont mis à produire beaucoup plus. Et cette réaction était difficile à prévoir…

Quant au second événement, il concerne la Russie. Vladimir Poutine a décidé l’embargo d’un certain nombre de produits vers la Russie dont les produits laitiers. C’est une sanction contre la position européenne sur l’Ukraine et donc, en conséquence de ça, 200 000 tonnes de fromages qui partaient de l’Europe vers la Russie ne partent plus. Cela correspond à 2 milliards de litres de lait. Candia n’est pas trop touchée par cette sanction (car elle n’exportait pas trop en Russie) mais cela signifie que nos voisins allemands, non seulement produisent beaucoup plus de lait qu’auparavant mais en plus ils ne peuvent plus l’envoyer en Russie. Or, il faut bien qu’ils l’envoient quelque part….

Enfin, non seulement les marchés européens sont saturés, mais les marchés en croissance régressent. La Chine est passée de 20 pour cent de croissance à moins de 7 pour cent. La Chine qui était un énorme importateur de produit laitiers a diminué ses importations. Toute l’urbanisation de la Chine a fait qu’aujourd’hui le salaire moyen en Chine est supérieur au salaire moyen mexicain. Le ralentissement économique fait que les Chinois ont donc ralentis leur consommation de lait.

Pour synthétiser, nous sommes dans une crise laitière assez grave. Beaucoup plus de lait dans la Communauté Européenne et beaucoup moins de lait à l’exportation car la Chine a diminué ses importations, donc aujourd’hui, il y a du lait partout… La valeur des produits laitiers sur les marchés mondiaux est en train de reculer depuis un an et demi, et le prix qu’on paye au producteur laitier est en train de chuter, de descendre même en dessous du prix de revient.

Propos recueillis par Isabelle Gaudé

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