Un palais rose surplombant une mer cobalt. Sur son écrin de rochers, la perle de la Riviera barbote les pieds dans l’eau. Ici tout est calme, tout est beau. Seul le clapotis des vagues rompt le silence. Une lumière pulpeuse, charnue, enivre l’horizon. Si l’Eden a une adresse, c’est sûrement celle de « La Réserve » de Beaulieu. Nichée entre Nice et Monaco, cette merveille vaporeuse, dans le soir ravissant, semble flotter à la surface des eaux. Ce palace pastel, à l’allure rétro et glamour, établissement mythique de la Côte d’Azur, parmi les plus beaux de France, fut jadis le lieu de villégiature préféré de Liz Taylor, Charlie Chaplin, J.F. Kennedy, Winston Churchill, et aujourd’hui de Jack Nicholson, Bono, Tina Turner, de la fine fleur des people. Si vous cherchez la preuve du Paradis sur terre, n’allez pas plus loin, vous êtes à la bonne adresse. Poussez la porte du « restaurant des Rois »… Et laissez-vous guider pour un voyage intemporel, une expérience inoubliable que vous ne vivrez nulle part ailleurs. Cap sur le « Temps retrouvé ».
Celui qui préside à cet envoûtement temporel, c’est Yannick Franques, le chef étoilé, qui a fait ses classes chez les plus grands, au Crillon, puis au Bristol où il secondait Eric Frechon, avant de prendre la tête du « Château Saint-Martin » à qui il a donné deux étoiles Michelin en deux ans. Aujourd’hui, le chef surdoué a fait du « Restaurant des Rois » de la Réserve de Beaulieu, une table royale. Il nous emmène dans son univers poétique, et c’est vertigineux de simplicité et de maestria. Rien de plus fascinant que ce « Mystère de l’œuf », un des plats signatures de Yannick Franques. On se laisse emporter par le souffle neigeux du blanc d’œuf, sa nuée de jaune, ses brisures de chapelure briochée, ses pétales de truffe à la surface brune du coulis de truffe. Sublime de bout en bout. Derrière chaque saveur, c’est une symphonie de tendresse, de douceur, qui nous fait fondre de plaisir. Mais le plus surprenant dans ce choc gustatif, c’est que ce « Mystère de l’œuf », véritable hommage au dessert glacé, est un peu notre Madeleine de Proust. On remonte le temps. On rajeunit à chaque bouchée. Il suffit d’un parfum, d’un goût délicieux pour retrouver subitement notre âme d’enfant, la candeur, l’émerveillement, les vibrations radieuses, le choc des commencements de notre prime jeunesse. Ce que le passage de la vie avait émoussé, ce que l’écume des jours avait recouvert d’années en années, on le retrouve en une bouchée de bonheur. Le passé revient en force, on redécouvre avec exaltation la fraîcheur givrée de la glace à la vanille au soir d’une journée caniculaire, le moelleux de la meringue, le fondant sucré aux amandes pilées du praliné du « Mystère ». C’est délice sur délice. Et c’est de la métaphysique culinaire. Une joie intemporelle s’empare de nous. La béatitude dirait Proust… Oui, la cuisine portée à son plus haut niveau a ce pouvoir. D’une simple saveur peut naître ce télescopage entre le passé et le présent. Et c’est là où réside le génie de Yannick Franques, son alchimie culinaire. Ce chef totalement créatif, incroyablement talentueux, ce virtuose a la faculté unique d’inverser le temps. Car Le « Mystère de l’œuf », c’est le mystère du temps. Et cet immense Chef réussit ce que peu de chefs peuvent réussir : nous offrir notre enfance sur un plateau d’argent…
Le Mystère de l’oeuf
« Monsieur Paul » vous manque-t-il ? Avez-vous assisté à ses obsèques ?
Oui, je tenais absolument à être là pour lui dire « au-revoir ». Je n’étais pas un intime de Paul Bocuse mais je l’ai rencontré lorsque j’ai passé le concours de Meilleur Ouvrier de France. Il était très présent sur ce concours et nous avons fait connaissance. Je l’admirais beaucoup. Ses obsèques en la Cathédrale Saint-Jean de Lyon ont été très émouvantes. J’avais l’impression de perdre un père… Le père de la gastronomie… C’est, sans doute, pour cette raison qu’il y avait autant de monde à l’église. Près de 1500 cuisiniers. D’un seul coup, nous nous sentions tous orphelins…
Etait-il pour vous un modèle ?
C’était un modèle pour tout le monde. Un modèle et un guide. Il était le reflet de la cuisine française. C’était quelqu’un de très ancré dans la cuisine classique, traditionnelle. Il mettait du génie dans l’assiette. C’est lui qui avait les clefs de notre cuisine.
Avez-vous eu d’autres modèles ou d’autres influences ?
J’ai côtoyé assez peu de chefs mais j’ai eu la chance de les suivre dans plusieurs grandes maisons. J’ai commencé avec Christian Constant au Crillon. A l’époque, Eric Frechon le secondait. Par la suite, Eric Frechon est devenu Chef du Bristol, avec 3 étoiles au Michelin. J’ai travaillé aussi aux côtés d’Alain Ducasse, et j’ai découvert les cuisines du Relais du Parc à Paris et celles du Louis XV à Monaco. Le jour où Eric Frechon a été nommé Chef au Bristol, j’ai reçu un appel de lui. Il m’a simplement posé cette question : « Est-ce que cela te dirait de venir avec moi au Bristol en tant que premier sous-chef ? ». Sans hésiter, j’ai accepté et je me suis lancé dans l’aventure à ses côtés. Cette aventure a duré sept ans !
Est-ce au Bristol, en compagnie d’Eric Frechon, que vous avez tout appris de la cuisine ?
Bien sûr, les autres expériences ont compté. Mais c’est vrai, qu’Eric Frechon a représenté énormément pour moi. C’est un homme adorable. Et un immense chef. Et puis, c’est lui qui m’a incité à passer le MOF. C’est lui encore, qui m’a entraîné, soutenu durant ce concours et je l’en remercie.
Quelle a été votre première impression en recevant cette prestigieuse distinction, le MOF, Meilleur Ouvrier de France catégorie cuisine en 2004 ?
En règle générale, je ne suis pas très amateur de concours, mais Eric Frechon m’a poussé à le faire. « Il faut que tu le passes, il faut que tu le passes absolument ! » insistait-il. Comme je me faisais prier, à deux semaines de la fin des inscriptions, il est revenu à la charge. « Tu vas t’inscrire et tu vas le passer ! » a-t-il décrété. Donc, j’ai fini par m’inscrire ! Je me suis prêté au jeu, et je l’ai eu du premier coup ! Là, j’avoue que j’étais content.
Avez-vous « le feu sacré » comme Paul Bocuse ? La cuisine était-ce, pour vous, un coup de foudre ?
Pour devenir cuisinier, il faut forcément qu’une passion vous anime. Vous restez quand même du matin au soir dans votre cuisine. Si vous n’avez pas « le feu sacré », c’est un métier où vous ne faites pas long feu !
Vous avez participé, il y a quelques années, à l’émission MasterChef en tant que Chef. Les autres participants ont reconnu qu’ils étaient subjugués par votre menu « parfait »…
A l’époque, j’officiais au « Château Saint-Martin ». J’avais 2 étoiles au Michelin et l’on m’a sollicité pour participer à cette émission. C’était la première saison de MasterChef à la télévision. J’ai accueilli les élèves en quart de finale. Il fallait qu’ils composent un menu, deux plats à la carte. J’ai fait un menu et j’ai mis un sous-chef sur chaque équipe. Ils devaient préparer « Le Mystère de l’Oeuf » qui est une de mes spécialités. Je la réalise maintenant depuis un certain temps, et j’avoue que je ne peux plus l’enlever de la carte tant les clients viennent de loin pour éclaircir ce mystère !
Votre « Mystère de l’œuf » est d’ailleurs devenu mythique !
C’est vrai, c’est un plat qui plaît !
Grâce à toutes ces émissions culinaires, les français se passionnent de plus en plus pour la cuisine. Comment expliquez-vous cet engouement ?
La télévision, plus scintillante qu’éclairante, est parfois trompeuse. Cela brille mais ce n’est pas toujours la réalité. En regardant ces émissions, on ne se rend pas compte de ce qu’est réellement la cuisine. Ce n’est pas seulement faire un plat, à envoyer comme ça… c’est quand même beaucoup de sacrifices, c’est une discipline, c’est un métier, et il faut être passionné. On a souvent des jeunes qui viennent à la cuisine parce qu’ils aiment cuisiner à la maison, mais lorsqu’ils découvrent toutes les astreintes, le travail le soir, le travail le week-end, le service, plus d’un renonce.
Après sept ans passés au Bristol, vous décidez de voler de vos propres ailes. Vous vous envolez si bien que vous obtenez, en 2 ans, presque un record, 2 étoiles au Michelin au restaurant « Le Château Saint-Martin » à Vence. Est-ce le défi que vous vous étiez lancé ?
Lorsque j’ai pris mes fonctions de Chef au « Château Saint-Martin », mon objectif était de récupérer l’étoile qu’ils avaient perdue. Dès la première année, j’ai récupéré la première étoile. Et la deuxième année, j’ai eu le deuxième macaron !
Deux étoiles coup sur coup, est-ce rarissime dans la gastronomie? Y a-t-il eu des précédents ?
C’est vrai que c’est déjà arrivé, mais c’est vrai aussi que cela n’arrive pas souvent…
Vous êtes trop modeste…
Je ne sais pas…
La Réserve de Beaulieu
On dit que la première impression est toujours la bonne… Votre cuisine frappe d’abord par son allure. Elle est plus qu’élégante. On la mange des yeux, elle ensoleille l’assiette puis le palais. C’est une cuisine inspirée, de haute-volée, qui frise la féerie. Avez-vous le désir de réenchanter l’instant ?
On essaye de se faire plaisir avant tout. Et de partager ce plaisir avec nos hôtes qui viennent déjeuner ou dîner. La cuisine, c’est une histoire d’amour. On veut créer du rêve, de la magie, enchanter la clientèle. De mon côté, je m’efforce de faire mon métier du mieux possible. J’essaye de conjuguer le beau et le bon. On voit l’assiette avec les yeux avant de la déguster. Quand cela attire l’œil, on a déjà fait 40 % du travail !
Composez-vous un plat comme une peinture ?
On le peaufine au fur et à mesure. On travaille les goûts puis on travaille l’esthétique. Je me fie à mon instinct. Je n’essaye pas d’être à la mode, je fais la cuisine que j’aime.
Quand vous créez une recette, aimez-vous vous surprendre, vous surpasser ?
Dans ma cuisine, on va vraiment sur le produit principal. Après, il y a deux-trois ingrédients qui viennent se greffer à lui. Il n’y a pas beaucoup de parfums. J’aime bien créer avec de la simplicité.
C’est, peut-être, ce qu’il y a de plus difficile à atteindre, la simplicité ?
Oui ! Justement, c’est cela qui est compliqué ! Quand on mélange plein de choses, plein de produits, donc plein d’informations, les goûts s’estompent. A mon sens, trop en mettre c’est altérer le produit. Or, j’aime bien savoir ce que je mange. Ma philosophie c’est de prendre un bon produit et de le magnifier.
Où vous fournissez-vous ?
La volonté affichée de notre maison, c’est de mettre en avant le terroir. La région regorge de merveilles. On a nos fournisseurs pour les meilleurs produits. Au niveau des légumes, on s’approvisionne chez les producteurs de la région. Nous valorisons essentiellement les produits locaux. On met à l’honneur l’agriculture locale, les saveurs de la Provence, et celles de la Méditerranée.
Le célèbre critique Gilles Pudlowski ne jure que par vous ! Il parle de « La Réserve » de Beaulieu comme d’un paradis sur terre où l’on pêche par gourmandise… Tous les commentaires sur le Net sont unanimes. « Le Restaurant des Rois » est l’une des meilleures adresses de la Côte d’Azur. Tous s’accordent à dire que cette table mérite vraiment 2 ou 3 étoiles au Michelin. Est-ce l’objectif que vous vous êtes fixé ?
Tout à fait ! Je ne cache pas mes ambitions ! Ce n’est pas comme au «Château Saint-Martin » où tout m’est arrivé d’un seul coup. Auparavant, j’avais deux étoiles, donc, ici, je veux récupérer mes deux étoiles. « La Réserve », c’est une maison où il y a eu pas mal de Chefs, peut-être que le Michelin attend aussi une forme de stabilité avant de nous donner cette récompense. En tout cas, je vous avoue que j’aimerais bien l’avoir cette année…
Langoustine aux graines de Futuba, émulsion Yuzu
Une troisième étoile, est-ce possible ou inaccessible?
On va déjà essayer de décrocher le graal, la 2ème étoile ! Après, on verra !
Qu’est-ce qui fait la différence entre un deux et un trois étoiles ?
Un trois étoiles, c’est une grâce, une excellence que l’on ne trouve pas ailleurs. C’est vraiment une table unique. Une maison, un service, un ensemble de choses inoubliables.
Souhaitez-vous faire du « Restaurant des Rois » la table incontournable de la Riviera ?
Je n’ai pas cette prétention. Parce que je n’aime pas dire que je suis meilleur qu’un autre. Les Chefs essayent tous de se faire plaisir… « La Réserve » c’est un très bel endroit, un peu rétro, très glamour. Reste qu’il y a d’autres belles tables sur la Côte d’Azur, comme « L’Oasis » à Mandelieu, le « Belle Rives » à Juan-les-Pins, « La Chèvre d’or » à Eze, « Le Louis XV » à Monaco etc.
Vous êtes plein d’humilité…
Nous ne sommes que des cuisiniers…
Oui mais c’est un métier, un art que vous pratiquez à la perfection…
Je n’aime pas me mettre en avant…
Est-ce une pression terrible pour un Chef et sa brigade que de viser chaque jour la perfection pour décrocher justement un 2ème ou un 3ème macaron ?
Absolument ! Je sens cette pression mais je m’efforce d’éviter le plus possible de la répercuter. Mon équipe doit travailler dans la bonne humeur, sinon cela se ressent forcément dans l’assiette. Je ne veux pas que mon équipe soit stressée. Il y a des cuisines où les Chefs mettent la pression, où c’est tendu. Moi, je ne suis pas dans cet esprit-là. Je me sens mieux dans la convivialité. Je suis exigeant tout en veillant à garder une bonne ambiance.
Vous faites la part belle à la Méditerranée avec votre carte orientée mer. Etes-vous spécialisé en poisson ?
Oui ! D’ailleurs « La Réserve » tire son nom du bassin de poissons niché au pied du massif de pierres. Dans notre restaurant, il y a beaucoup de poissons à la carte parce que nous sommes au bord de la mer, et les clients viennent ici pour manger du poisson. Mais il y a aussi de la viande. On essaye de panacher pour satisfaire notre clientèle. Les viandes, je les travaille avec les produits de la région. On fait une volaille fumée au bois d’olivier. Avec des olives locales et rien d’autre !
Quels sont vos plats signatures ? Je sais que votre « Mystère de l’œuf » est célèbre dans toute la Côte d’Azur…
Vous connaissez le mystère glacé, ce fameux dessert à la vanille qui a enchanté des générations d’enfants ? Je le propose en entrée avec un œuf. Je prépare un œuf en neige avec le jaune cru à l’intérieur. Je les fais cuire au four vapeur pendant dix minutes. Je prépare une brioche croustillante qui va servir à parsemer de chapelure le dôme de blanc d’œuf. Je mets ça sur un lit de truffes. J’ai inventé ce plat lorsque j’étais au « Château Saint-Martin ». Souvent, les Chefs mettent un œuf à la carte, car on peut faire des milliers de choses avec les œufs. Pour ma part, j’aime tout particulièrement travailler les œufs. Là, j’ai mis en route cet Oeuf Mystère et les gourmets viennent de loin pour le goûter. Comme plat signature, nous avons aussi la Langoustine aux graines de futaba, émulsion yuzu. L’acidité du yuzu, un concentré de peps à lui tout seul, relève le goût iodé de la langoustine. C’est divin… Sinon, il y a le Loup sauvage« Réserve ». C’est un loup que j’ai mis en place dès je suis arrivé ici. C’est un loup de Méditerranée fourni par un pêcheur local, composé uniquement avec des produits de la région comme du fenouil bio de Saint-Jeannet, de l’huile d’olive du Moulin de Beaussy, produite à côté de Grasse. Ce loup, on le fait en écailles soufflées. On va verser de l’huile très chaude sur les écailles. Cela va les souffler et ensuite on peut les manger. C’est croustillant. On le sert flambé au pastis. Nous faisons aussi « le foie gras terre et mer ». On prépare un chutney de citron de Menton pour accompagner le foie gras aux algues. Des algues, pour le côté iodé, lequel sera relevé par l’acidité du citron. Ces deux saveurs se marient très bien. C’est le côté terre et mer du foie gras.
Vous venez de publier un magnifique livre de recettes aux éditions Ducasse « Best of ». Quelles recettes déniche-t-on dedans ?
Toutes celles que je viens d’évoquer ainsi que celle de « La Volaille au bois d’olivier ». Il y a aussi la recette de « La Tomate Burrata », celle de la « Soupe de poisson » de roche revisitée. Et pour les desserts « La Fraise Mara des bois », « La Mandarine Berlugane », « La Tarte fondante » au chocolat grand cru et sa glace au café brûlé.
Vous avez eu la chance de travailler aux côtés d’Alain Ducasse…
Oui, c’est un chef que j’aime beaucoup. C’est un très grand chef. J’ai travaillé au début avec lui, au Louis XV à Monaco. Il peut se permettre de faire les choses pas comme les autres…
Je trouve votre cuisine éminemment vivante, savoureuse, inventive et poétique. Une simple salade niçoise, chez vous, c’est déjà un enchantement. Les produits dansent dans l’assiette, les goûts correspondent entre eux. Etre un bon cuisinier, c’est savoir magnifier le produit ?
C’est primordial de le magnifier ! On cherche à le sublimer avec les produits qu’on va rajouter. Par exemple, une épice. Il faut aussi une garniture. C’est plus compliqué pour moi, parce que je n’aime pas trop mettre des produits comme la pomme de terre ou des féculents, comme du riz ou des pâtes.
Je me suis laissée dire que vous avez un petit péché mignon : Le Comtes de Champagne Taittinger rosé 1996…
J’adore ce champagne ! Pas trop frais dans des verres un peu évasés, c’est fabuleux !
Quel est votre prochain rêve ? Ouvrir votre propre restaurant ?
Non ! Mon prochain rêve serait d’avoir la 2ème étoile !
Avez-vous l’impression d’être arrivé au sommet de votre art ?
Non ! Parce qu’on cherche toujours à mieux faire, on n’est jamais totalement satisfait de ce que l’on a réalisé. Et puis on se remet tout le temps en question. On concocte des recettes mais on cherche toujours à les faire évoluer aussi.
A « La Réserve de Beaulieu », vous supervisez trois tables. Bien sûr, la table gastronomique, le « Restaurant des Rois ». Mais aussi la «Table de la Réserve » et « Le Vent debout ». Pouvez-vous nous en dire plus…
« Le Vent debout », c’est le restaurant au bord de la piscine, face à la mer. La vue est superbe ! Quand il fait beau, on fait 60 couverts. On ouvre au mois de mai et c’est plein tous les jours. Et la «Table de la Réserve », c’est le bistrot à l’entrée de l’hôtel.
Votre pâtissier Freddy Monier fait aussi merveille, à vos côtés, au « Restaurant des Rois ». Comme dessert, on peut se régaler d’une «Pomme granny », en granité, sorbet citron-yuzu. La poire Belle-Hélène, chez vous, n’a plus rien à voir avec une poire Belle-Hélène classique. Elle devient sublime, généreuse, gourmande. C’est une base de poire surmontée d’un dôme de glace en forme de poire serti d’une croûte de chocolat, chapeauté par une queue de pomme dorée à l’or fin. C’est un voyage visuel avant d’être une aventure gustative…
La poire Belle-Hélène est pour la piscine ! On fait «Le Citron» et «La Mandarine » pour le «Restaurant des Rois».Tous les desserts mis à la carte, je les goûte et les peaufine avec le Chef-pâtissier. Comme c’est la continuité du repas, les desserts sont très importants, ils doivent être à la hauteur. Il faut une cohérence, une harmonie entre la cuisine et la pâtisserie. Freddy Monier, ce jeune et talentueux pâtissier, me suit depuis que je suis au « Château Saint-Martin ». J’ai emmené toute mon équipe, ma brigade avec moi à Beaulieu !
On l’aura compris, le « Restaurant des Rois » est une sublime table… C’est la famille Delion (Nicole et Jean-Claude Delion) qui est propriétaire de l’hôtel « La Réserve ». Cette formidable famille transforme tout ce qu’elle touche en or, s’implique merveilleusement dans l’hôtellerie et la restauration de luxe, réalise des exploits…
Oui, la maison est tenue par Monsieur et Madame Delion. Ce sont deux propriétaires incroyables. En 1985, lorsqu’ils ont fait l’acquisition de l’hôtel « La Pinède » à Saint-Tropez, celui-ci était en mauvais état. Ils se sont totalement investis pour le rénover. Dans la foulée, ils ont créé l’éblouissant restaurant « La Vague d’Or » de « La Pinède », qui est devenu 3 étoiles au Michelin (le seul restaurant triplement étoilé de la Côte d’Azur, hormis celui de Monaco). Ils en ont fait le lieu le plus prisé de tous les gourmets de la Côte d’Azur. Ils ont un don incomparable pour redonner une âme à un lieu… Maintenant, ils s’occupent avec la même ferveur et le même talent de « La Réserve ». Je suis ravi de travailler avec eux. Ils me font une absolue confiance. Ils m’ont offert la chance de concevoir ma carte dans la plus grande liberté. C’est épanouissant de pouvoir travailler dans ces conditions. J’avoue que je suis un Chef heureux !
Propos recueillis par Isabelle Gaudé
Yannick Franques et Jean-Claude Delion