« Je crois que l’art digital a de beaux jours devant lui. Parce que c’est l’avenir du futur… »
Malo Girod de l’Ain est plus qu’un entrepreneur passionné, c’est un visionnaire. Ancien centralien, fondateur de sociétés d’outils logiciels à San Francisco et Sao Paolo, auteur d’un magistral essai « 2010, futur virtuel », il fait partie de ces patrons précurseurs de l’Internet qui ont anticipé l’avenir numérique. Il est l’un des tout premiers en France à s’intéresser à l’art digital (baptisé aussi art numérique, techno-art, computer art etc.). En 2009, Il crée un média sur le Net, Digitalarti Mag, qui devient très vite un magazine de référence, le premier site d’information au monde sur l’art numérique. Quelques mois plus tard, Malo Girod de l’Ain décide d’aller plus loin. Il devient producteur et distributeur de créations numériques principalement pour les entreprises qui ont besoin aujourd’hui d’accompagner leur transition vers le numérique et de proposer de nouvelles expériences à leurs clients. Il s’entoure d’une équipe d’ingénieurs brillants, pointus, fourmillant d’idées qui donneront naissance à de multiples, magnifiques et foisonnantes innovations numériques, comme cette installation interactive lumineuse illuminant la rosace de la Gare de l’Est, symbole de l’effervescence de la gare en temps réel. Ou cet incroyable tunnel de LEDs réalisé pour la sortie mondiale du dernier Star Wars, une création visuelle avec jeux de lumières et projections d’images. Ou encore cette installation murale présentée au Futuroscope, Senseimage, surface tactile capable de détecter et de réagir au toucher des visiteurs. On l’aura compris, tout le génie de Digitalarti, de ses ingénieurs et de son admirable, brillant et chaleureux dirigeant, Malo Girod de l’Ain, est d’avoir su tirer des entrailles des ordinateurs, par-delà les effets spéciaux et les effets spectaculaires, la poésie de demain. Aujourd’hui, on peint avec la lumière, les sculptures du futur s’animent et évoluent à l’infini. Les codes de l’art ont changé…
On pourrait s’interroger sur la rupture esthétique qu’amorce cette nouvelle approche de l’art, impossible de ne pas reconnaître qu’elle a tout pour séduire les générations futures qui ne cachent plus leur intérêt pour les technologies de pointe. C’est un fait, le champ artistique s’est agrandi d’un nouveau venu, l’art digital, lequel renouvellera peut-être notre vision du monde, réinventera le réel et pourquoi pas la beauté. Car l’art numérique est un art révolutionnaire. Il bouleverse les codes, invente d’autres règles, d’autres critères, s’adresse à la vue, au toucher, à l’exploration, à l’échange collaboratif, se métamorphose en voyage ludique, en expérience immersive, bref il nous fait toucher « le futur du bout des doigts ».Pour en appréhender la quintessence, tournons-nous vers le philosophe François Dagognet. Celui-ci écrit : «Le plasticien du XXIème siècle travaillera avec l’ordinateur et se livrera à toutes sortes de productions chromatiques et néo-géométriques (…) Désormais, l’art nouveau ira plus loin, il abandonnera le réel pour le réalisable, pour l’infinité des mondes possibles, une genèse technico-métaphysique. L’atelier nous pourvoira en images inconnues, parce qu’empêchées, qui réconcilieront l’art et la machine, la logique même et l’inspiration, l’inventivité et la pixellisation. »
Bienvenue dans la nouvelle réalité de l’art.
Tunnel de LEDs pour la sortie mondiale de Star Wars VII
Victor Hugo écrivait « ceci tuera cela » en parlant du livre qui tuerait l’édifice. Nous sommes entrés dans l’ère numérique. Pensez-vous, Malo Girod de l’Ain que l’art numérique va tuer l’art figuratif ?
C’est une bonne question. Il me semble intéressant justement de revenir au livre. On a longtemps cru (les éditeurs, certains lecteurs et amateurs de livres etc.) et j’ai, moi-même, fait partie des précurseurs qui ont lancés les e-book, que l’e-book et les liseuses « tueraient » le livre. On s’aperçoit finalement aujourd’hui que le livre papier a toujours une vie propre et que les ventes de livres continuent à prospérer. Comme la télévision n’a pas tué la radio, comme la liseuse n’a pas tué le livre, l’art numérique ne tuera pas l’art « traditionnel ». Tout au contraire, il y a des évolutions qui s’ajoutent. On va plutôt vers des enrichissements successifs que vers des destructions. La création numérique apporte de nouveaux talents, une nouvelle créativité, une nouvelle vitalité, une autre manière de voir donc de comprendre, d’apercevoir ce qui anime et bouleverse la société actuelle, ce qui n’empêche pas les œuvres disons plus « classiques » de continuer d’exister, de se développer en parallèle.
Vous ne pensez donc pas que l’art digital va « tuer » la main ? Et pourtant, rien de pire que d’imaginer un sculpteur assis devant son clavier à modeler une forme qu’il ne peut toucher.
En effet, c’est paradoxal ! Mais c’est un fait, nous sommes entrés dans l’ère numérique. Cette ère, on peut l’appeler virtuelle, mais elle est de plus en plus réelle. C’est une nouvelle réalité. On assiste à une évolution des paradigmes.Est-ce bien ? Est-ce préjudiciable ? Chacun a son opinion là-dessus. Pour ma part, je trouve que c’est une chance inouïe, passionnante. Car c’est une nouvelle dimension qui s’ouvre. Avec un potentiel créatif illimité. Pour en revenir à l’exemple du livre, que j’évoquais précédemment, d’aucuns s’entêtent à trouver incomparable, irremplaçable, le côté tactile du papier, le fait de le tenir dans la main, de tourner les pages, de toucher une feuille de papier, cette sensation que l’on apprécie tous. Mais le numérique n’est pas antinomique avec le toucher. Tout au contraire. Le numérique explore la tridimensionnalité (toutes les installations, c’est du tridimensionnel), il cherche souvent à dépasser le « surfacial », il cherche à retrouver « l’entièreté » de l’objet dans l’espace et donc la possibilité pour le spectateur de le toucher. D’ailleurs beaucoup de créations numériques sont tactiles, elles font la part belle au toucher. Elles l’exaltent même. Connaissez-vous ce duo de créateurs Scenocosme ? Ces artistes ont créé un jardin composé de véritables plantes musicales qui réagissent au moindre contact. En effet, lorsqu’un spectateur effleure ou caresse ces plantes, celles-ci s’éveillent et se mettent à chanter. C’est un peu de poésie, un peu de féerie dans un jardin numérique… Et c’est une expérience sensorielle extraordinaire que ce partage, cette transmission de l’énergie entre une plante verte et un humain. Le vivant et le végétal fusionnent…
Pourtant l’ennui avec les technologies ultramodernes, c’est leur fiabilité, elles prévoient tout. N’est-ce pas la définition même de l’académisme ?
C’est amusant que vous considériez les nouvelles techniques comme une perfection infaillible alors que beaucoup de gens pestent devant leur ordinateur en leur reprochant de se planter tout le temps ! Certes, le logiciel anticipe un certain nombre de choses mais malheureusement il ne prévoit pas tout. Tout simplement parce que c’est un univers de plus en plus complexe,et que les possibilités sont de plus en plus larges. Croyez-moi, nous sommes bien payés pour le savoir à Digitalarti ! Lorsque nous installons une œuvre, nous faisons appel à un technicien, à un ingénieur chargé de la maintenance parce que demeure toujours le facteur imprévisible.
Le philosophe Régis Debray écrit dans son essai « Vie et mort de l’image » que le logiciel n’est pas une œuvre, c’est un outil donnant lieu à une propriété industrielle non artistique. Selon lui, un logiciel peut avoir beaucoup d’applications, il est évolutif. L’œuvre est finie et définitive. D’accord avec lui ?
Beaucoup de réflexions fleurissent autour de ces notions de logiciels, d’œuvres. En effet, où est l’œuvre ? Est-ce dans les logiciels ? Dans la création finale ? Difficile à dire. Penser l’inconnu, l’inédit, le futur de l’art demande de procéder à une véritable expertise, une évaluation de celui-ci. Peut-être serons-nous obligés de renouveler l’outillage conceptuel existant pour mieux connaître la nature de l’art digital. En tout cas, dans l’art digital, Il y a des systèmes de base un peu comme il y a des systèmes d’exploitation Windows. La création finale est aussi du code. Après tout,on peut estimer que le code est fini et définitif autant que l’œuvre d’art. Il n’empêche, toutes ces polémiques à propos de l’art numérique sont révélatrices. Cet art nouveau suscite une certaine frilosité. De toute évidence, il y a une difficulté du monde de l’art contemporain non digital à admettre l’art contemporain digital, que ce soit du côté des critiques, des musées, des galeries. Il y a des chapelles existantes, donc l’art digital rencontre des résistances, comme tout ce qui est novateur, inédit, déstabilisant. Certes, il est difficile de rompre avec ses habitudes artistiques. Difficile d’accepter l’innovation, l’invention, l’originalité et l’inconnu. Pourtant toute l’histoire de l’art prouve que les changements s’opèrent à travers une logique d’opposition et de dépassement. Mais certains n’ayant pas forcément la culture du numérique ont du mal à accepter ce nouveau champ de création qui est varié, complexe, protéiforme, multiple, remué, travaillé en tous sens. En tout cas, ce qui est particulier à la France, s’avère différent dans le monde anglo-saxon. L’art numérique connaît un véritable engouement dans les autres pays. C’est comme si les mentalités étaient déjà en phase avec la révolution numérique artistique. En France, c’est différent. Par exemple, à Beaubourg, il n’y a pratiquement jamais eu de grandes expos d’art contemporain numérique…
Peut-être parce que les critères sont encore un peu flous…
Exactement. Tout ça est en train de se faire, le public est en demande et je sais qu’à Londres, ou à New York, les grandes institutions proposent déjà régulièrement des créations numériques magnifiques…
Pensez-vous que l’art numérique est le miroir loyal ou déformant de la société du spectacle, de la société du loisir ?
Je ne nie pas que certains côtés de l’art digital peuvent apparaître comme ludiques et divertissants. Cela constitue même l’argument essentiel des critiques qu’une certaine intelligentsia de l’art contemporain adresse à l’art numérique. Mais ce côté ludique n’est somme toute qu’une facette de l’art numérique. D’ailleurs, il existe aussi des peintures décoratives ! La plupart des créations numériques sont poétiques, fascinantes, contemplatives. Les artistes-plasticiens sont des découvreurs. Ils explorent de nouvelles pistes, de nouveaux horizons, ils prennent des risques. On rencontre des concepteurs comme Antoine Schmidt qui font des créations poétiques, noires et blanches, très belles, pointillistes. Cet artiste n’est en rien dans le ludique ni dans le divertissement. Il crée des œuvres minimales, abstraites. Il s’attache à créer des objets intelligents. Il est dans une approche philosophique, psychanalytique. Il utilise l’outil informatique pour aborder des thématiques contemporaines comme la liberté de l’humain dans un monde complexe. Je pense aussi à Christo, qui même s’il n’utilise pas l’art digital, n’a rien d’un artiste ludique. Sa démarche est purement philosophique. Il a fait un chemin sur l’eau, sa dernière réalisation en Italie, sur le lac d’Iseo en Italie. Il a réalisé un pont sur l’eau en tissu orange, juste pour deux mois, c’était extraordinaire. Il recouvrait, habillait, emprisonnait l’eau et la libérait ensuite. C’est un geste sublime. Il nous montrait finalement ce que l’on oubliait de voir.
Selon vous, l’art numérique répond-t-il aux attentes du grand public épris de beauté ? Il n’y a qu’à voir la foule qui piétine durant des heures devant le Grand Palais pour voir une exposition de Titien, Vinci ou Monet et qui souvent déserte les galeries d’art contemporain ?
C’est vrai, et c’est le sempiternel argument en faveur de la peinture figurative ! Croyez-moi, il y a aussi beaucoup de monde aux grandes expositions de l’art contemporain, à la Fiac ! Il n’empêche, il faut reconnaître que malheureusement en France, le grand public n’a pas beaucoup d’expositions d’art digital à se mettre sous la dent. Et il aimerait en avoir, j’en suis sûr ! Il n’y a qu’à voir la foule qui se presse aux festivals d’art numérique. Dernièrement, a eu lieu une exposition au Palais de la découverte, sur deux jeunes créateurs Adrien M et Claire B. Ils ont rencontré un franc succès. Le public était varié, et il y avait même des familles !
L’art est en pleine mutation, il a un nouveau visage, celui du métissage entre les arts : technique, arts visuels, image, son, numérique. Même s’il existe un fossé entre le calcul numérique et la sensibilité humaine, peut-être que le progrès technique au lieu d’éliminer définitivement la peinture figurative va la ressusciter, lui redonner une autre vie, et pourquoi pas la réinventer ?
En effet, certaines technologies contemporaines s’attachent à montrer sous un nouvel angle des œuvres classiques comme la Joconde. On peut zoomer dedans. Il y a même eu des Mona Lisa numériques !
Pensez-vous que la vitalité, le dynamisme de la création française passera par l’art numérique ?
J’en suis persuadé. Cet art numérique, c’est un concentré d’énergie. Il déborde de vitalité. Il y a une énergie vitale, et il y a beaucoup de talent français dans l’art numérique. Cela fait partie de ces domaines qu’on a appelé la Frenchtech ou la Frenchtouch. Avec des domaines comme le jeu vidéo, ou les créateurs d’effets spéciaux pour le cinéma. Il y a tout un ensemble de secteurs où la France est reconnue, où les talents français sont très appréciés, parce qu’ils sont à cheval entre la culture scientifique et la culture artistique. Cet alliage, cette alliance entre culture scientifique et artistique est une tradition immémoriale en France. On a les deux et c’est notre force !
Quels sont, selon vous, les bons artistes contemporains en matière de création numérique ?
Aujourd’hui de nombreux créateurs de talents travaillent en France et bien sûr dans le monde entier. Me vient bien sûr à l’esprit Miguel Chevalier. C’est un artiste d’origine mexicaine qui vit en France. Il crée des compositions tout à fait étonnantes, avec des couleurs psychédéliques, des arabesques, des formes géométriques qui se modifient à l’infini, des mouvements, des illusions d’optique, des architectures liquides. Je citais plus haut, parmi les français, Antoine Schmidt, Adrien M et Claire B, Scenocosme. Nous travaillons beaucoup avec Stéfane Perraud, Pascal Bauer. Un duo de talent qui a longtemps travaillé sous le nom d’Electronic Shadow…
Finalement, à vous écouter, on comprend quel’art numérique invente une autre forme de beauté…
Oui, et je crois qu’on devient de plus en plus sensible à ces beautés parce que cela permet de sortir de ce côté numérique utilitaire, c’est-à-dire l’ordinateur et le téléphone. Avec l’art, cela sort et cela se mélange avec la vie et c’est interactif. Ce sont des créations qui évoluent avec le spectateur, qui le sollicitent et l’entraînent dans une autre dimension…
Malo Girod de L’Ain, vous avez une belle approche de l’art numérique. Vous dites que « l’art numérique est une invitation à la découverte, un voyage intérieur au cours duquel le participant est amené à construire sa propre expérience »
Oui, parce qu’elle est propre à chacun. Il y a des œuvres qui sont contemplatives, d’autres génératives, d’autres interactives, d’autres tactiles : on touche l’écran ou une surface. Et cela donne naissance à un flux de formes mouvantes. A ce propos, notre société Digitalarti a créé quelque chose d’étonnant pour la première du dernier film Stars Wars. Nous sommes bien sûr là plus dans de la création ludique qu’artistique même si les frontières sont floues. Nous avons rendu complètement interactif un tunnel de LEDs de 14 mètres de long, devant le cinéma d’Europacord d’Aérovile, à côté de Roissy. Les spectateurs passaient dans ce tunnel, bougeaient, et aussitôt se dévoilaient les silhouettes des personnages de Star Wars tels le Stormtrooper, KyloRen, DarkVador. Cela faisait de grandes traînées lumineuses de 14 mètres de long et au milieu évoluaient les personnages de Star Wars. Cette immersion visuelle et sonore offrait au spectateur une sorte de transition spatio-temporelle avant de connaître les derniers frissons de l’épisode VII ! C’était assez fabuleux !
Venons-en maintenant à votre entreprise : Digitalarti. Quand l’avez-vous fondé ?
Nous l’avons démarré en 2009. A l’origine, nous étions deux associés. Au début, c’était un média, un magazine sur le Net, le premier site d’information sur l’art numérique et l’innovation. Assez vite, nous étions si impressionnés et admiratifs devant des créations numériques extraordinaires qui poussaient un peu partout dans le monde que nous avons voulu accompagner ces créateurs avec notre atelier que l’on appelle le Artlab, un laboratoire de fabrication et de production d’art numérique.
Vous êtes alors devenu producteur et distributeur de créations numériques. De quelles innovations numériques êtes-vous le plus fier ?
Nous travaillons en ce moment sur une création multi-sensorielle dont nous sommes très fiers. C’est un gigantesque tapis interactif (pour l’instant, nous en sommes encore au prototype) qui va être installé au nouveau centre commercial, le centre Muse, à Metz. Son ouverture est programmée pour l’automne 2017. Ce sont des LEDs, avec de la lumière, entre chaque lumière, il y a un capteur, et cela s’illumine quand on marche dessus. L’effet est spectaculaire. Au delà de ce tapis interactif, plusieurs œuvres d’art digital seront installées dans ce centre commercial, toutes destinées à ré-enchanter l’expérience client sur le lieu de vente.
Pouvez-vous nous parler aussi de votre surface SENSEIMAGE installée au Futuroscope, une surface tactile et interactive qui associe l’image et la technologie de pointe, intégrée à l’exposition « Futur l’Expo » au Futuroscope et plébiscitée par le public ?
C’est la même technologie que ce tapis interactif dont je parlais précédemment, simplement pour le Futuroscope, on a fait une installation murale, une surface tactile, capable de détecter et d’analyser son environnement. Elle propose des programmes de nature ludique, créative, que l’on effleure du doigt. La surface Senseimage a trouvé sa place dans un espace que le Futuroscope appelle « Futur l’expo ». Celui-ci est un parcours ludique et participatif dans le futur, dans lequel ont été intégrées un certain nombre de créations numériques, interactives tout à fait étonnantes. On y trouve des robots, des objets connectés, des imprimantes 3D. Il y a même de la réalité virtuelle où un vêtement s’ajuste sur vous. Il y a aussi un bar futuriste où on peut prendre un dessert qui baigne dans l’azote liquide et quand on le déguste, il y a de la fumée qui sort par le nez ! Tout ce pavillon rencontre un énorme succès auprès du public. Les enfants adorent !
En effet, c’était une installation assez spectaculaire.Elle évoluait en fonction du trafic voyageur et recréait l’effervescence de la gare de l’Est. Nous avions installé sur la rosace deux cents grosses LEDs qui fluctuaient en fonction du nombre de voyageurs. C’était assez extraordinaire parce que c’était visible de l’intérieur, de l’extérieur, de nuit comme de jour. La nuit, on voyait même la rosace illuminée depuis le Châtelet… C’était une installation éphémère d’une durée de trois mois. La SNCF voulait une action emblématique qui permette de mettre en avant ses travaux de rénovation.
Vous avez en permanence des projets de créations numériques ambitieux. Vous avez un laboratoire de fabrication Artlab avec huit créateurs entourés d’ingénieurs, de techniciens, de régisseurs, d’électroniciens, d’experts urbanistes, tous plus brillants les uns que les autres. Cette équipe à la pointe est-elle en train d’explorer des territoires inconnus ?
Oui, absolument, et on a même déposé plusieurs brevets ! Parce que parfois, on a besoin de technologies qui n’existent pas ! Par l’exemple, l’idée de ce tapis interactif pour le centre commercial Muse à Metz. Il existe plusieurs façons de rendre une surface interactive, mais aucune ne nous donnait satisfaction avec la précision demandée. Du coup, on a finalement inventé et breveté ce tapis !
Dans votre Artlab, on doit trouver les nouveaux Géo Trouvetou du numérique !
Oui ! Avec plein d’électronique partout !
Pouvez-vous nous parler de vos futures créations, celles qui vont sortir prochainement de votre atelier ?
Actuellement, le projet Skyteam s’installe dans le monde entier. Il s’agit de l’alliance mondiale de compagnies aériennes, Air France, KLM etc. (une vingtaine au total). Avec de nombreux salons VIP dans le monde entier pour les voyageurs de première classe et de classe affaire. Dans ces lounges VIP sont installés des écrans avec des créations numériques, des vidéos artistiques et créatives exclusives que Digitalarti a sélectionnées et produites. Cela constitue un environnement apaisant et relaxant pour les voyageurs.
Digitalarti travaille en ce moment sur plusieurs créations majeures pour de grandes sociétés du luxe. Ces créations seront diffusées mondialement dans les prochains mois et vous pourrez les découvrir dans leurs boutiques ou événements. Malheureusement, nous ne pouvons rien en dire à ce jour, confidentialité oblige.
D’après vous, que vient chercher le public dans ces expériences immersives et interactives ?
Oui, il y a un côté immersif, on peut rentrer dans un monde, se laisser envelopper par une œuvre ou s’envoler vers une autre dimension. Ce n’est plus un tapis volant, on vole sur un tapis digital ! Ce qui plait beaucoup aux visiteurs d’expositions, ce sont les découvertes interactives : le spectateur ne regarde plus passivement une œuvre, l’œuvre le sollicite. Le spectateur participe. Il partage une expérience. C’est un échange collaboratif. C’est valorisant pour lui. « Il se sent exister »…
Etes-vous d’accord avec le philosophe Yves Michaud qui dit que le spectateur ou l’auditeur cherche à oublier son identité dans des expériences immersives, comme par exemple dans les expériences immersives musicales à Ibiza ?
Un phénomène se développe aujourd’hui énormément, celui de la réalité virtuelle.On découvre qu’il y a d’autres réalités. On découvre la réalité d’une nouvelle façon. On découvre que la réalité est multiple… Il y a le réel, l’irréel, et le virtuel. Dernièrement, il y avait le festival du film en réalité virtuelle au Forum des images. C’était une expérience étonnante. Dans une salle, on comptait une trentaine de personnes. Tout le monde mettait son casque et chacun devenait complètement autonome, perdu là-dedans dans son monde individuel. C’était comme une expérience immersive où chacun s’oublie. Au programme, il y avait plusieurs films, il y avait des courts métrages virtuels. A la fois, c’était un monde très futuriste où on se retrouvait dans une matrice, perdu au milieu d’effets hypnotiquement incroyables. Mais à d’autres moments, on était dans un documentaire sur l’Afrique, sur les derniers rhinocéros en Afrique, avec un rhinocéros juste devant soi, une girafe derrière, le tout à 360°. C’était un peu moins artistique mais tout aussi inouï !
Selon vous, l’avenir est-il plein de promesses pour Digitalarti ?
Absolument ! L’art digital commence à entrer dans les mœurs ! Au début, quand on s’est lancé, lorsqu’on démarchait une entreprise, nos interlocuteurs ne comprenaient pas trop où nous voulions en venir, ils ne voyaient pas bien à quoi cela pouvait leur servir. Aujourd’hui, la grande différence, c’est que tout le monde a vu quelque chose de numérique à la télévision, dans des expositions, dans des parcs d’attractions futuristes, dans les musées. Les gens commencent à découvrir et à apprécier l’art digital. La demande s’amplifie de jour en jour du côté des entreprises. On nous sollicite de partout. Amazon nous a sollicités. Le Qatar aussi. Nous avons même travaillé pour le plus grand centre commercial thaïlandais et pour le salon d’art contemporain à Abu Dhabi. Nous avons des bureaux à Shanghai, à New York. A Paris et en France, les grandes entreprises font appel à nous pour des événements, pour des soirées inoubliables, pour embellir des lieux ou des façades de magasins, pour de nouvelles expériences clients, pour de nouveaux produits numériques interactifs etc. Je crois que l’art digital a de beaux jours devant lui. Parce que c’est l’avenir du futur…
Propos recueillis par Isabelle Gaudé
Exemple du centre commercial Muse à Metz: SenseImage apparaîtra en format tapis interactif de 40 mètres de long (installation en 2017)
« 2010, Futur Virtuel », de Malo Girod de l’Ain, Editions M2, 209 pages, 20€.